25 novembre 2013

UN ESCARGOT DANS UNE BAIGNOIRE - LÉTHARGIE ET MANQUE D'INSPIRATION SUR LE PANCAKE TRAIL

Inspiration "0". Inspiration, m'as-tu quittée? Deux mois sont passés sans que je puisse extraire un seul paragraphe de cette cervelle léthargique qu'est la mienne. En vérité, c'est moi qui quittai l'inspiration et l'Inde du même coup. Épuisés et dépassés, on s'est posés sur la péninsule thaï-malay le temps d'un island hop de tout repos.

À part les femmes voilées, la Malaisie a très peu en commun avec l'Inde. C'est propre, accessible, riche, modéré. On commence dans l'extrême nord-est, dans le parc marin Terengganu, sur la populaire pulau Perhentian Kecil. Le pneu de tracteur qui était sur Romantic beach il y a deux ans a pas bougé. C’est plus bondé et plus sale. L'ambiance a changée, les prix ont doublés et les coraux se détériorent. Merci aux snorkelers qui savent pas nager. La morale de l'histoire, pour citer mononcle Jean "The Wolf" Leloup: "Les moments parfaits ne reviennent jamais." L'inspiration m'a manquée.

Parce que traverser la moitié du monde pour me retrouver dans un bar à boire de la bière sur les hits américains et anglais, entouré de visages familiers, c'est pas mon voyage. Et pour d'autres raisons évidentes, j'ai déménagé mon hamac sur une autre île. Une île dont je tairai le nom, une île encore épargnée par les guides de voyage sans pitié. L'eau est turquoise, le sable est doré, le reef est en pleine santé et les touristes sont de proximité. Good people, good vibes, perfect!

Les Malaisiens qui visitent les week-ends ont beau vivre dans un pays entouré de mer et d'îles sablonneuses, c'est pas croyable comment ils sont pas à l'aise sur une plage. Mr. le curé aux Foufounes Électriques! Ils ont tous horreur du soleil. La plupart ont peur de l'eau et ne savent pas nager. Manque d'aisance c'est le moins qu’on puisse dire quand les femmes avec hijabs, masques et tubas coincent leurs robes longues avec la sangle d'entre-jambes de leur veste de sécurité et s'avancent à pas de pingouin dans l'eau. Rendues à mi-cuisse, en perte d'équilibre et embourbées dans l'excès de vêtements mouillés, elles se plient en deux pour tremper leur masque. Sérieusement?! Le ridicule ne tue pas! Évidemment, l'élégance ne se baigne pas.


Sur le balcon de mon bungalow entre la beach et la jungle suante infestée de maringouins format jurassique, mon hamac se berce au rythme d'une joyeuse oisiveté. Le hamac est l'endroit idéal pour s'adonner à l'activité cérébrale, mais la léthargie physique qu'il provoque m'empêche de me lever pour noter quelqu' éclair de génie qui s'adonnerait à frapper. Les moments de lucidité s'évaporent au petit matin. Reste plus que quelques vagues théories et réflexions sur le temps qui passe vite, le temps qui passe pas, le tic-tac de l'horloge et la perception qu'on en a.

Le 16 octobre dernier, il y a un an exactement, dans mon aréna Mike Bossy, le corps ramolli dans un fauteuil douillet plutôt qu'un hamac, j'écrivais:


16 OCTOBRE À L'ARÉNA

Arrêté pour regarder l'oiseau qui pépie
Mon regard s'est tourné vers le soleil rougi
Une seconde et j'avais manqué son envol

Le temps a filé sans que j'en saisisse un seul moment
Les horloges coulent et dégoutent sur mes pieds trempés
Mes sentiments engourdis, mes yeux pleurent du verglas

Mais quelle déprime! Quel ennui! Le temps s'écoulait au compte-goutte. Goutte chinoise. Chaque minute pesait une heure. La scène de Fight Club me revenait en tête: "This is your life...". Pénible état d'esprit que l'ennui. Aujourd'hui, sur mon île, je suis pas plus occupé. Mes journées se limitent à préparer le teh tarik et mon dîner, gratter les chats et nager au-dessus des coraux mauve, jaune, vert et rouge avec tous les personnages de Némo que les madames voilées verront jamais. J'en ai pris quelques photos avant que mon appareil se noie.





Le soir venu, je me balance comme un pendule dans mon hamac. Toujours aucune trace d'ennui. A moment of stillness* dans mes oreilles. J'élabore mes théories sur la perception du temps. Conclusions? Cette perception variable est intimement liée à l'état d'esprit. L'ennui n'est qu'un produit dérivé de l'état d'esprit. Le temps en lui-même est un concept insaisissable... Ou un complot!

Bref, j'ai décidé de ne plus croire au temps. De toute façon, je le perçois plus (Ça doit être l'influence de l'est) et il est d'aucune utilité ici! Quelle joie qu'il existe des endroits comme ici, des états d'esprit comme ici. Androïd garde le compte. Moi, je l'ai perdu presqu'autant que ces parents indiens qui savent pas en quelle année leur premier fils est né. Les heures de hamac s'accumulent. C’est presque gênant. Selon ce fameux Droïd, 27 jours ont passés. Ma léthargie s'est aggravée, un escargot dans une baignoire. Les mouvements se font rares, mais devront s'enclencher. Les visas expirent, d'autres doivent se faire et ils se foutent bien de mes croyances et théories. Je plie mon hamac sans trop comprendre où sont passés mes 27 journées.



KL, une douzaine de jours plus tard, on refuse de considérer ma demande de visa. Foutus indiens, on sait jamais à quoi s'attendre avec eux! Ils me référent à Bangkok comme si c'était la porte à côté. Faut croire que les arrêts sur la côte Andaman seront plus courts que prévu. Ce qui est pas si mal après tout.

On s'est étiré l'estomac comme un ballon de basket à George Town, la capitale gastronomique malaysienne. Et puis, on est passé du coté thaï de la péninsule! Too much! Trop de peau qui aurait dû rester couverte, trop de bouffeurs de path thaï, trop de buveurs de bières, trop de dodus rosés en vacances qui glissent sur le circuit bien huilé entre l'avion, la mini van, le bateau et le coin de sable où ils passeront leur séjour entre le mini-mart et le bar pseudo-reggae. Eerk! Ils rentreront chez eux en pensant que c'est ça la Thaïlande. Le pire c'est qu'ils auront à moitié raison.

J'ai noyé une deuxième caméra** dès la première saucette, mais croyez moi, les fonds marins sont superbes et compensent largement pour les horreurs qui peuplent la plage. Y nager est méditatif. Que dire de plus, que dire...? Encore une fois, l'inspiration m'a manquée.




Nous voilà de retour dans sexy Bangkok. Elle sait exactement comment te faire sortir tes bahts et te vider les poches dans le temps de le dire. Une vraie salope! Tout le monde pogne la fièvre impulsive de la consommation. Que ce soit dans les malls où se vendent les Bentleys sur un étage et le Dior sur l'autre ou dans les marchés aux puces où se vendent les gougounes usagées à côté des walkmans jaunes. Peu importe ton budget, peu importe tes goûts, que tu le veuilles ou non, l'argent fuit de partout comme de l'eau dans un panier. Deux semaines de budget partent en un weekend modéré. Faut que je parte d'ici avant d'être paumé comme deux Kényens aux douanes.

Mais avant tout, grosse bière à la main, camisole, costume de bain, air détendu, do the falang*** walk!



* God is an astronaut - A moment of stillness - EP - 2006

**Sony à marde. 200$ à l'eau c'est le cas de le dire

***Falang - Étranger blanc en terre thaï.



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